mercredi 27 août 2008

Le « concours de beauté » de John Maynard Keynes


« Conscients du peu de valeur de notre propre jugement individuel, nous nous efforçons de nous en remettre au jugement des autres (…). Nous essayons donc de nous conformer au comportement de la majorité ou de la moyenne. À ce petit jeu, celui qui gagne, c’est évidemment celui qui devine ce que la foule va faire. »

J.M. Keynes, « The general theory of employment », Quarterly Journal of Economics, vol. LI, 1937.

L'expérience: un journal londonien de l'époque organise un concours consistant à élire les plus belles jeunes femmes parmi une centaine de photographies publiées. Le gagnant est le lecteur dont la sélection se rapproche au mieux des cinq photographies les plus choisies. En d'autres termes, le gagnant est celui s'approchant au mieux du consensus global.

Keynes fait remarquer que pour remporter ce jeu, il n'est pas logique de raisonner uniquement selon ses goûts personnels. Il faut en effet déterminer le consensus de tous les autres lecteurs : en déroulant le raisonnement, on comprend que le choix des lecteurs se porte uniquement sur les candidates qu'il pense que les autres éliront, ceux-là même choisissant celles qu'ils pensent que les autres éliront, et ce à l'infini.

L'analogie de Keynes: cette analogie montre que le prix d'un titre financier a la nature d'une bulle spéculative: sa valeur dépend plus de représentations et d'anticipations que de fondements réels. Les acteurs du marché financier en arrivent à ignorer les fondamentaux et essaient à la place de prédire ce que fera le marché. Cet argument remet en cause l'idée selon laquelle les marchés financiers parviendraient à une allocation des capitaux efficaces les acteurs fructueux étant soit juste chanceux, soit ceux ayant les plus grandes capacités à anticiper la psychologie de masse.

Des développements ultérieurs ont montré que de tels phénomènes se produisent dès lors qu'il y a incertitude sur les déterminants de l'évolution du prix du titre.

Une remarque personnelle: cette pensée de Keynes, que j'ai ici présentée en reprenant globalement l'exposé qui en est fait sur Wikipédia, m'a frappé... j'y ai vu une analyse qui peut s'appliquer à la nécessité de conformisme. Chacun impose à l'autre ce qui est consensuel, "correcte" en pensant que c'est ce que son prochain lui-même désire. L'individu ne s'interroge plus sur la légitimité de la norme, des convenances; il se contente de la tenir pour établie par "les autres"... le jeu des miroirs qui se font face peut alors paisiblement se poursuivre!

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